44 mesures pour lutter contre les violences envers les professionnels de santé

Protéger ceux qui nous soignent est une priorité absolue et une urgence nationale pour le Gouvernement. Les violences, qu’elles soient physiques ou verbales, commises à l’encontre des professionnels de santé pèsent très lourdement sur leurs conditions d’exercice des soignants ainsi que sur leur état de santé. Un rapport sur les violences à l’encontre des professionnels de santé avance 44 propositions à même d’alimenter le plan de lutte contre les violences faites aux soignants que la Gouvernement présentera début juillet 2023.

44 mesures pour lutter contre les violences envers les professionnels de santé Une enquête menée auprès d’un échantillon de Français ainsi que d’un échantillon de personnel soignant en février 2023 note que les soignants sont deux fois plus nombreux que l’ensemble de la population active à subir des incivilités et des violences physiques ou verbales au travail. 37% des professionnels de santé hospitaliers disent subir régulièrement des agressions physiques et ce chiffre s’élève à 84% pour les aides-soignants selon le baromètre MNH-Odoxa 2022. Les données de l’Observatoire national des violences en santé (ONVS) mettent en avant depuis plusieurs années près de 20 000 signalements de violences par an, ce qui représente environ 30 000 atteintes aux personnes et 5 000 atteintes aux biens chaque année. Selon les derniers chiffres publiés par l’OMS en février 2022, 38% des professionnels de la santé dans le monde sont victimes de violences physiques à un moment ou à un autre de leur carrière.

« L’actualité a montré, avec le décès tragique de Carène Mezino, infirmière du CHU de Reims, sauvagement attaquée le 22 mai, la gravité de ce sujet. François Braun veut « une tolérance 0 contre toutes les violences visant les soignants ».

Mission sécurité des soignants

C’est dans le but de construire avec les professionnels de santé et l’ensemble des parties prenantes de nouvelles réponses adaptées, tant aux nouvelles formes de violence rencontrées qu’aux attentes de terrain que la ministre, Agnès Firmin Le Bodo, a engagé en janvier dernier, à la demande du ministre de la Santé et de la Prévention, une mission dédiée. Nathalie Nion, cadre supérieure de santé de l’AP-HP, et le Docteur Jean-Christophe Masseron, président de SOS Médecins, ont ainsi pendant plusieurs mois, conduit une large concertation auprès des parties prenantes de la sécurité des soignants. Ils formulent, dans un rapport qui a été remis le 8 juin dernier, une série de propositions pour lutter contre les violences à l’encontre des professionnels de santé. « Il ne faut plus accepter ou tolérer aucun comportement violent à l’égard d’un soignant. Car rien ne justifie la violence, encore moins envers ceux qui prennent soin de leurs contemporains. » Agnès Firmin Le Bodo a souhaité que les propositions formulées dans le rapport puissent adresser deux échelles de temps : des solutions prioritaires pouvant être mises en œuvre rapidement pour répondre aux situations urgentes d’ores et déjà identifiées, et des propositions s’inscrivant dans un temps long pour lutter contre les violences dans la durée et adapter au long cours de nos réponses.

« La montée des violences dans le secteur de la santé a des conséquences profondes sur les victimes et les communautés soignantes, qui nuisent à la prise en charge des patients et aux soins dans leur ensemble ».

Soigner dans une atmosphère de travail apaisée et sereine

Les rapporteurs le soulignent, « lutter efficacement contre ces agressions revêt donc un enjeu crucial, à la fois pour la santé des professionnels de santé mais aussi pour l’attractivité des métiers ». Il est donc nécessaire de créer les conditions permettant d’assurer la bonne santé physique et psychique des soignants, et donc de soigner dans une atmosphère de travail apaisée et sereine. « Face à ce constat, il apparaît donc urgent de mettre en place ou de renforcer les mesures préventives et de protection pour assurer la sécurité et le bien-être des professionnels de santé et garantir un environnement sain et sûr pour dispenser les soins ».  Ils ont identifié six objectifs afin de mieux appréhender les violences envers les soignants, mieux les prévenir et protéger les victimes :

- agir sur les déterminants des violences ;
- acculturer les professionnels ;
- mieux objectiver les faits de violences internes et externes ;
- accompagner et soutenir les victimes ;
- préparer les futurs professionnels ;
- communiquer auprès de tous les acteurs.

Selon les rapporteurs, les auditions « font émerger une banalisation des faits par les professionnels eux-mêmes. Les violences verbales sont celles qui sont les plus rarement déclarées alors même que leur fréquence est probablement extrêmement élevée ». De surcroît, en l’absence d’information sur les suites données aux dépôts de plaintes, « de nombreux professionnels considèrent comme inutile de déclarer les faits « estimés » les moins graves ». Les qualités d’empathie et de bienveillance inhérentes aux professionnels de santé sont ainsi de nature à engendrer cette « tolérance », notamment faces aux « petites violences » du quotidien… « La question des étudiants est apparue plus qu’embarrassante, notent les rapporteurs, tant ces jeunes professionnels en devenir y sont confrontés ». D’abord ils vivent les premières violences durant leur cursus, sans forcément y être préparés, mais ils subissent également de la violence entre pairs ou par leurs encadrants, formateurs, professeurs… Notamment la question des violences sexuelles et sexistes, malheureusement encore très fréquentes dans le monde de la santé.

« Intégrer dans les maquettes des études en santé des formations sur les thèmes de la communication (thérapeutique, non-violente), de la gestion des comportements agressifs (désescalade verbale ; maitrise de la situation ; protection de soi et des autres…) sera un premier socle concourant à une acculturation ».

44 mesures sont avancées dans ce rapport. Elles correspondent notamment aux points d’attention qu’avait soulignés Agnès Firmin Le Bodo lors du lancement de la mission : la sécurité des soignants exerçant en ville, les violences sexistes et sexuelles dénoncées par les étudiants en santé ou encore l’amélioration des conventions santé-sécurité-justice. Plusieurs propositions ont particulièrement retenu l’attention des ministres :

- le déploiement de dispositifs d’alerte portatifs pour les professionnels exerçant de façon isolée ;
- la formation initiale et continue des soignants et des personnels d’accueil pour mieux gérer l’agressivité éventuelle de leurs interlocuteurs ;
- l’amélioration de la réponse pénale face aux menaces et aux agressions qu’ils subissent ;
- un meilleur accompagnement des victimes dans leurs démarches judiciaires.

« Toutes ces propositions font actuellement l’objet d’une analyse approfondie du ministère de la Santé et de la Prévention, ainsi que par les autres ministères concernés. »

L’ONI appelle les pouvoirs publics à garantir la sécurité des soignants

L’Ordre National des Infirmiers porte également la voix de la profession sur les violences subies par les professionnels avec une consultation inédite, à laquelle plus de 31 000 infirmiers ont répondu, qui montre que deux tiers d’entre eux ont déjà été victimes de violences. L’Ordre a également partagé ses propositions pour lutter contre ce phénomène dramatique. Patrick Chamboredon, président de l’instance ordinale a rappelé que "ces violences ne sont pas une fatalité. Au contraire, elles sont un phénomène qui découle aussi bien de comportements individuels intolérables que des dysfonctionnements de notre système de santé et qui appelle des réponses vigoureuses et adaptées. La concertation lancée par le Ministère doit permettre d’aboutir à des décisions fortes en ce sens et nous sommes certains que les résultats de notre consultation, ainsi que nos propositions, contribueront à cette réflexion. Dans cette attente, l’Ordre National des Infirmiers reste totalement mobilisé sur ce sujet et poursuit son engagement aux côtés des professionnels et de tous ceux qui pâtissent des violences. »

« L’accompagnement et le soutien aux professionnels touchés par ces violences sont des enjeux majeurs pour contribuer au bien-être des infirmiers et à l’attractivité de la profession. »

Rapport sur les violences à l’encontre des professionnels de santé : 44 propositions pour des soins en sécurité, Docteur Jean-Christophe Masseron, Président SOS Médecins France, Nathalie Nion, Cadre Supérieure de Santé, APHP. 9 juin 2023.
Observatoire MNH/Odoxa, vague 2 « Etat de santé des soignants et des personnels hospitaliers », 22 septembre 2022.
L’Ordre National des Infirmiers porte la voix de la profession sur les violences subies par les professionnels, communiqué du 25 mai 2023.

Bernadette Gonguet