L’intérim : l’avenir de la profession infirmière ?

Le 11 mars dernier avait lieu la 36ème édition du Salon Emploi des infirmiers et des soignants à l’Espace Champerret, à Paris. Une occasion pour ces professionnels de santé d’aller à la rencontre des agences d’intérim dans un contexte où le marché du travail leur est défavorable.

infirmiers assis souriresAlors que le chômage touche de plus en plus la profession infirmière, nombreux sont les soignants qui se tournent désormais vers les agences d’intérim afin de trouver du travail. Qu’ils soient expérimentés ou jeunes diplômés, aujourd’hui, les infirmiers s’en remettent à ces sociétés, qui semblent être, pour eux, la solution de demain face à l’actuelle pénurie de postes. C’est le cas de Sonia, diplômée depuis 4 ans, qui souhaite quitter le secteur gériatrique pour les urgences. Cette infirmière de 27 ans se rend vite à l’évidence. Lorsque je suis venue à ce salon, il y a deux ans, il y avait beaucoup plus d’offres. Cet événement était trois fois plus grand. Je pense que cela reflète bien la diminution des postes. Or, pour cette soignante expérimentée, la raison ne fait aucun doute. Aujourd’hui, il y a davantage d’infirmiers sur le marché du travail qu’il y a deux ans.

Mais pour les agences d’intérim, les causes de cette tendance sont tout autres. Trois facteurs expliquent cette pénurie, selon Éric1, membre de l’équipe de recrutement d’une agence intérimaire. Un nombre trop important d’infirmiers a été formé dans les IFSI ces dernières années. De plus, le développement des services ambulatoires et la restructuration des hôpitaux diminuent leur besoin en recrutement. Enfin, le report des départs à la retraite contribue à cette pénurie de postes dans le secteur de la santé.

Les postes vacants sont de moins en moins comblés. On ne remplace plus « les départs en congé maternité.

Pourtant, ce phénomène paraît s’être déjà produit auparavant. Il s’agirait même d’une tendance « cyclique ». Nous avons déjà observé cela il y a 7 ans... ça devrait s’inverser au bout d’un certain temps, poursuit cet ancien infirmier en réanimation. Christelle1, cadre supérieure de santé pour une autre agence d’intérim, ira d’ailleurs plus loin. Cela fait 40 ans qu’il y a des départs, sans que les postes ne soient renouvelés. Et lorsqu’il y a trop d’infirmiers sur le marché, les instituts de formation sont fermés. Ensuite, un manque d’effectifs se ressent 3 ans après ces fermetures, du coup on ouvre à nouveau des promotions... ça a toujours été ainsi. Mais à présent, les hôpitaux ont moins de budgets, donc ce phénomène va sûrement s’accentuer. Dans un tel contexte, l’activité intérimaire peut-elle représenter une réelle solution d’embauche pour les infirmiers ? C’est ce que considère cette cadre supérieure. Les postes vacants sont de moins en moins comblés. On ne remplace plus « les départs en congé maternité ». En général, on demande aux infirmiers du service ou de l’hôpital de faire des heures supplémentaires. Et ensuite, lorsqu’il y a vraiment des « trous », on fait appel à l’intérim. Et de poursuivre : L’avantage dans notre agence c’est que les infirmiers se positionnent pour une future embauche en CDI, directement proposée par nos clients, si la mission se déroule bien. Leurs chances d’être recrutés sont donc augmentées.

Pourtant, cette pénurie de postes ne semble pas épargner le secteur intérimaire, notamment en Province. Amandine, future infirmière diplômée, a fait le déplacement d’Evreux, afin de participer à ce salon et de rencontrer les représentants de ces agences. Dans 4 mois, j’aimerais faire de l’intérim, mais pour cela je pense m’installer à Paris car il n’y a pas beaucoup d’offres chez moi.

Il y a cependant un avantage proposé par toutes les agences d’intérim : la diversité des missions. Et, c’est cette dernière qui se révèle être aujourd’hui un enjeu stratégique du recrutement infirmier. En effet, multiplier les missions dans différents services contribue au développement d’une polyvalence et d’une polycompétence des soignants. Deux éléments qui semblent dorénavant indispensables dans la sélection des infirmiers.

Dans 4 mois, j’aimerais faire de l’intérim, mais pour cela je pense m’installer à Paris car il n’y a pas beaucoup de d’offres chez moi.

La polyvalence : une qualité infirmière prisée par les recruteurs

Que cette diminution des embauches fasse suite à une restructuration interne, ou à un refus de renouveler les postes, les hôpitaux, pour la plupart publics, recherchent désormais une qualité commune (et non des moindres) chez leurs candidats : la polyvalence. Aujourd’hui, il est très fréquent qu’un infirmier hospitalier soit « détaché » afin d’assurer un poste dans un autre service, voire dans un autre hôpital du groupe auquel il appartient. De nos jours, l’infirmier doit donc savoir s’adapter très rapidement aux changements. Serait-ce déjà une forme « d’activité intérimaire » au sein même des groupes hospitaliers ? Quoi qu’il en soit, les agences d’intérim ont d'ores et déjà cette particularité de proposer aux infirmiers, jeunes diplômés et/ou expérimentés, une large variété de missions. A la seule différence, c’est qu’ils semblent promouvoir un développement progressif des compétences de leurs candidats, contrairement aux établissements de santé qui, compte tenu de leur manque d’effectifs, se voient contraints d’affecter leurs soignants, de façon immédiate et « brutale », dans différents services. Éric1 nous explique cette méthode de développement professionnel au sein de son agence d’intérim, notamment pour les infirmiers qui débutent dans le métier. On évalue les compétences d’un candidat, et ce qu’il souhaite faire, pour essayer de l’orienter vers des missions qui le correspondent au mieux. L’objectif n’est pas de l’envoyer à droite et à gauche, mais c’est plutôt de lui garantir une progression linéaire. On évite de trop le disperser. On fait attention à cela. C’est important.

Cette capacité à « s’adapter » rapidement reste malgré tout un critère déterminant dans le choix des infirmiers recrutés par ces agences. Si un candidat se montre monocompétent et qu’il nous dit qu’il ne fait que de la « chirurgie orthopédique », cela limite les choix. Aujourd’hui, il y a un réel enjeu en termes d’offre et de demande. Si on a plusieurs postes à lui proposer et qu’il ne souhaite  faire  que de  l’orthopédie, cela va poser un vrai problème. Avoir des profils polyvalents, c’est intéressant. Alors, pour celui qui désire uniquement exercer dans une spécialité, cela devient compliqué, par la force des choses, poursuit Éric1.

L’objectif n’est pas d'envoyer le candidat à droite et à gauche, mais c’est plutôt de lui garantir une progression linéaire. On évite de trop le disperser.

Les services ambulatoires : vers un rendement du temps et des effectifs infirmiers

Pour ces représentants d’agences intérimaires, ce n’est pourtant pas leur secteur qui représente « l’avenir » de la profession infirmière, mais assurément les services ambulatoires. Nous nous en rendons bien compte à notre niveau que les services ambulatoires se développent très rapidement, affirme Éric*. Christelle1 fait le même constat. On vous fait une endoscopie, vous sortez le jour même... Aujourd’hui, il est évident que l’hôpital de jour et l’hospitalisation à domicile deviennent progressivement des secteurs d’activité prometteurs pour le métier d’infirmier.

« Polyvalence » et « rendement » restent donc les maîtres mots du marché du travail de ces professionnels de santé. Et si aujourd’hui les services ambulatoires semblent représenter « l’avenir » de la profession infirmière, il n’en reste pas moins que les agences d’intérim tendent à faciliter l’accès à l’emploi pour ces soignants, notamment en développant, chez eux, une polycompétence désormais très convoitée par les recruteurs.

Note

  1. Prénom modifié

Gwen HIGHT  Journalistegwenahight@gmail.com