Bien-être au travail : la clé pour recruter et fidéliser les soignants

Après la crise sanitaire, quel est l’état de santé mentale du personnel soignant en France ? Face à la grande tension des métiers du soin observée aujourd’hui, 70% des soignants interrogés indiquent que les établissements de santé doivent prioriser leur bien-être s’ils souhaitent les recruter ou les voir rester.

Bien-être au travailLa majorité des participants à l’enquête initiée par Hublo (1) estime que leur bien-être n’est pas considéré comme une priorité par le secteur de la santé. Certains soignants évoquent en commentaire « l'impression de n'être qu'une case dans les plannings ». Les infirmiers diplômés d’Etat (IDE) constituent le groupe le plus critique à cet égard : 96% d’entre eux se sentent particulièrement peu considérés, évaluant ce niveau de priorité inférieur à 6/10. Dans le détail, on note 25% de notes à 0, et seulement 8% de notes supérieures à 5. Les aides-soignants (AS) et autres métiers du médico-social semblent quant à eux avoir une opinion plus nuancée bien que tirant aussi vers le négatif, avec un quart des interrogés seulement qui attribue une note supérieure à 5.

Un soutien « émotionnel » attendu

À la question « Vous sentez-vous suffisamment soutenu(e) émotionnellement au travail ? », plus d’un soignant sur 2 a répondu « Non ». Cette tendance est particulièrement prévalente chez les IDE, qui ne sont en moyenne que 15% à estimer qu’ils sont suffisamment soutenus sur le plan émotionnel, contre près d’un quart pour le reste des personnels paramédicaux, et ce particulièrement dans l’hôpital public : plus d’un quart des IDE (27%) estiment n’y recevoir absolument aucun soutien émotionnel et attribuent la note de zéro ; ils sont 22% dans les cliniques privées à partager ce ressenti, et 21% dans les EHPAD. L’établissement de travail et le management ne sont, de manière générale, pas du tout considérés comme une source de soutien. Ainsi, dans l’hôpital public, seulement 0,4% des IDE et 1% des AS s’estiment soutenus sur le plan émotionnel par leur établissement. Les cliniques sont les mieux notées, bien que les chiffres restent bas : 6% des IDE et 3% des AS s’y sentent soutenus. C’est la famille qui représente la source de soutien émotionnel principale pour les personnels paramédicaux ; les amis et les partenaires suivent de près.

« Si les participants sont nombreux à regretter le "manque de soutien de la part des cadres et supérieurs", il ne s’agit pas d’un ressenti systématique : "heureusement que quelques cadres de proximité restent humains avec un esprit de soignant avant tout" ».

La désillusion professionnelle au bout de trois ans d’exercice

Si la plus large cohorte, tout métier et tout type d’établissement confondus, a, à chaque fois, répondu que la réalité de leur métier ne correspondait « pas vraiment » à l’image qu’elle s’en faisait avant de l’exercer, on observe que ce sont les IDE qui ont le plus de désillusion par rapport à l’image qu’ils se faisaient de leur métier. Un quart seulement de ce groupe a répondu que leur métier correspondait « plutôt » ou « complètement » à l’image qu’ils s’en faisaient, contre un tiers des aides-soignants et près de la moitié des autres professionnels de santé. Chez les IDE, comme chez les AS, le sentiment de désillusion semble se creuser après seulement 3 années d’expériences. Avant cela, la majorité des soignants considèrent que leur métier correspond à l’image qu’ils s’en faisaient ; après, c’est l’inverse. On observe cependant qu’en comparaison, ce sentiment est plus marqué chez les IDE qui, à moins de 3 ans d’ancienneté, n’étaient déjà que 37% contre 53% des AS à considérer que la réalité de leur métier correspondait bel et bien à l’image qu’elles s’en faisaient. Ainsi, 40% des infirmiers auraient l’intention de changer de métier à court ou moyen terme. À l’inverse, 42% des aide-soignant(e)s et 41% des autres personnels paramédicaux ne se voient pas exercer une autre profession ; plus de la moitié d’entre eux au total ne comptent pas changer de métier, même à long terme. Malgré ses défauts, les soignants tiennent à l’hôpital public.

« Toujours plus de tâches à effectuer avec le même temps imparti », « cadence de travail trop élevé », « être souvent rappelé sur nos jours de repos », « le manque de personnel qui ne nous permet pas d'accompagner nos résidents de façon suffisamment qualitative et qui entraîne une usure physique et psychologique ».

Quid du management, stress chronique et tâches administratives chronophages

• Les dysfonctionnements dans la communication entre les soignants et la hiérarchie sont mis en évidence tout comme le défaut de valorisation morale et professionnelle de la part des cadres et de la direction. Pour chaque type d’établissement - Ehpad, hôpital public, clinique - la plus large cohorte d’IDE évalue le degré de bienveillance du management à zéro : 20% des IDE travaillant dans l’hôpital public, et 15% des IDE travaillant en clinique ou en EHPAD. Par ailleurs, on compte près de 70% des IDE qui attribuent une note inférieure à 5, tous types d’établissements. Les AS et autres personnels paramédicaux semblent avoir une opinion plus neutre.

• L’étude rend également compte d’un stress omniprésent au travail, pour lequel le manque de personnel est systématiquement pointé du doigt en premier, cité, par 85% des IDE, 84% des AS et 81% des autres personnels soignants : un problème de fond qui s’aggrave d’années en années dans toutes les institutions médico-sociales.

• La rédaction de rapports et de transmissions représente une part essentielle du métier d’IDE, qui peut s’avérer d’autant plus chronophage si l’on ne dispose pas d’outils adaptés pour faciliter la tâche ; les IDE sont ainsi 35% à considérer les outils pas assez efficaces ou performants comme facteur de stress, contre seulement 13% des AS et 23% des autres personnels paramédicaux.

« L’'après-midi nous sommes secrétaire et si nous avons le temps nous pouvons éventuellement faire nos soins infirmiers et avoir un peu de relationnel avec les patients (quelques minutes seulement). »

Prendre soin des soignants pour les recruter et les fidéliser

Pour environ 70% des soignants interrogés, les établissements de santé doivent prioriser leur bien-être s’ils souhaitent les recruter ou les voir rester. Quelle que soit leur spécialité, leur statut (vacataire ou salarié), le type d’institution dans lequel ils exercent, ou encore leur ancienneté : les réponses à cette question sont quasi unanimes. Face au stress vécu très négativement en termes de qualité de vie au travail par les soignants, mettre en place des mécanismes pour alléger ce stress, et permettre aux soignants de se relaxer, pourrait significativement améliorer leur bien-être au travail, et ainsi augmenter les chances de les retenir (ateliers de relaxation - sophrologie, yoga -, accès facilité à des thérapeutes).

En conclusion, et ce n’est pas une révélation, si les établissements de santé souhaitent retenir leurs personnels soignants et en attirer de nouveaux, il paraît essentiel de travailler à optimiser d’une part la gestion globale de leur personnel, afin de mieux répartir la charge de travail et d’alléger leur stress au quotidien, et d’autre part d’améliorer la communication entre la direction, l’encadrement et les équipes soignantes.

1- Enquête sur le bien-être et la santé mentale des soignants en France intitulée « Entre épuisement et désaffection : comment vont vraiment les soignants ? » réalisée en août 2022 par Hublo auprès de 22 692 professionnels de santé paramédicaux de France Métropolitaine : 7 952 infirmiers diplômés d’État, 11 936 aides-soignants et 2804 autres personnels paramédicaux, ont été consultés.

Bernadette Gonguet