Recrutement : l'AP-HP part à la conquête des infirmiers

Après cinq vagues épidémiques de Covid-19 et avec pas moins de 1400 postes d'infirmiers actuellement vacants (soit 7,5% des effectifs), l'Assistance publique-Hopitaux de Paris (AP-HP) actionne un plan de recrutement tous azimuts pour renflouer ses effectifs soignants.

 

Embauche maximisée de jeunes diplômés, CDD pour les intérimaires, contractualisation des heures supplémentaires majorées, prime et accès facilité au logement..., le CHU francilien entend jouer de toutes ses cartes pour séduire les recrues potentielles. "11 mesures pour renforcer l’attractivité des professions paramédicales et recruter rapidement" ont ainsi été présentées le 8 février, en commission médicale d'établissement*. Avec, pour Martin Hirsch, son directeur général, la nécessité urgente de redonner un élan au projet social 2021-2025 de l'AP-HP et de combler les vacances de poste et sortir de la dépendance à l'intérim. Revue de détail de cette feuille de route.

Embaucher un maximum de jeunes diplômés

Un objectif prioritaire est de recruter au minimum 800 jeunes diplômés à la rentrée 2022 (sur 1400 étudiants diplômés dans les IFSI de l’AP-HP). Entre autres dispositifs attractifs, le nombre de stages a été augmenté et tout étudiant en 3e année amené à effectuer un stage se voit proposé un contrat d'allocation d'études (CAE) avec, à compter de mars, 7 500 euros (€) octroyés en échange d'un engagement à servir de dix-huit mois. 1200 stages de préprofessionnalisation vont ainsi être déployés .La qualité de l’accueil et de l’accompagnement des stagiaires se veut renforcée et plus globalement l’AP-HP garantit un dispositif de recrutement en 24h/48h (de la réception de la candidature à l'entretien d'embauche).

Faire connaître les dispositifs d'attractivité spécifiques

Pour séduire les futurs infirmiers, l'AP-HP mise sur une meilleure diffusion de l'information sur ses avantages maison. A savoir notamment, une prime d'installation de 2 055 € brut, une aide à l'installation de 700 à 1 000 € (pour payer le premier loyer, les frais d'agence ou de déménagement, le dépôt de garantie, etc). Cela comprend également un accès facilité au logement via la solution métiers en tension capitale (87 attributions en 2021) qui réserve près de 150 logements pour un loyer de 250 à 500 € mensuel.

Proposer des CDD aux intérimaires 

A titre de mesure pontuelle d'urgence, l'AP-HP envisage de former et stabiliser 300 intérimaires pour quelques mois, en attendant des recrutement définitifs.Via le dispositif de crise de l’ARS Ile-de-France, ouvert depuis le 17 janvier et uniquement jusqu’à fin février. Les intérimaires se voient proposer la même rémunération qu’en intérim, mais dans le cadre d’un contrat de 6 ou 9 mois, qui ne permet pas d’effectuer des heures supplémentaires majorées.

Renforcer l’autonomie des équipes dans la gestion des plannings 

L’autonomie des équipes dans la gestion des plannings, avec une validation par les cadres pour garantir le bon fonctionnement du service et l’équilibre des contraintes entre les agents, constitue le mode d’organisation préconisé par le projet social de l'AP-HP. Corrélativement, des souplesses ont été rendues possibles pour aménager les temps de travail en fonction des aspirations des soignants : de nouveaux schémas horaires, allongeant les amplitudes quotidiennes, peuvent être proposés par les services volontaires (notamment schémas en 8h, 8h, 10h en hospitalisation conventionnelle).

Mieux rémunérer les heures supplémentaires

Afin de limiter le recours à l’intérim ou de sécuriser les plannings, les agents pourront, à titre individuel et sur la base du volontariat, contractualiser l’exécution d’heures supplémentaires dans la limite d’une moyenne maximale de 20h/mois énonce le projet social. Rémunérées en heures supplémentaires pouvant être majorées de 50 % pour les infirmiers, ces heures seront réalisées sous forme de journées supplémentaires positionnées après accord de l’agent.

Redynamiser la vie d'équipe

Recréer les conditions d’une vie d’équipe motivante, en commençant par le service, tel est l'objectif défini par le projet social. Celui-ci doit passer par une facilitation de l’activité de recrutement des cadres de santé, le développement des temps d’échanges pluri-professionnels (réunions de services, staff, espaces de dialogue sur le travail (EDT) etc.), le déploiement de projets d’engagement collectif au sein des services (avec une prime à la clé de 200€ ou 500€, les formations collectives et le coaching individuel des chefs de service, responsables d’unités fonctionnelles et cadres de santé.

Accompagner les prises de poste

L'AP-HP entend améliorer les conditions d’accueil des nouveaux professionnels notamment en systématisant un entretien d’accueil des nouveaux arrivants, en testant l’inscription des heures de tutorat dans le mécanisme des heures supplémentaires contractualisées, en diffusant les bonnes pratiques de l’accueil des nouveaux professionnels (ex : journée d’intégration, livret d’accueil, entretien de suivi...).

Mieux accompagner les agents et leur donner des perspectives

Dans cette finalité, l'AP-HP décide de systématiser l'entretien professionnel entre deux et cinq ans après la prise de poste et de poursuivre les promotions professionnelles à un niveau très haut : en 2022, près de 600 agents dont 232 AS pourront se former après avoir réussi les concours paramédicaux. En tout, 1063 agents seront en promotion professionnelle en 2022, ce qui représente l’effort de formation le plus important dans les hôpitaux français.

Le déploiement des formations continues s'inscrit également dans ce plan, y compris via des outils digitaux ou hybride, ainsique celui de la recherche en soins infirmiers une priorité, soutenue par la Fondation AP-HP, avec du temps compensé et rémunéré. Il s’agit notamment de mieux faire connaître le dispositif du passeport temps recherche et les dispositions de l’accord sur l’organisation du temps de travail concernant la recherche paramédicale.

Lutter contre les irritants du quotidien

Des enveloppes croissantes sont consacrées aux investissements destinés à faciliter le quotidien des équipes. Après une enquête de satisfaction menée cet hiver sur les systèmes d’information, un plan d’action est en oeuvre pour répondre aux difficultés et proposer des axes d’amélioration.

Des initiatives locales pertinentes sont par aillers déployées pour résoudre les problèmes du quotidien (hors SI), comme le projet SmartLab du GHU Nord.

Eviter les mobilités subies

Les vacances de poste rendent parfois nécessaire la mobilité des professionnels entre services et cette mobilité n’est pas toujours bien vécue, observe la direction de l'AP-HP. Pour pallier cette situation, le projet social suggère de déployer davantage les équipes de suppléance (destinées à remplacer prioritairement 100% des congés maternité et longue maladie). Il est proposé dans ce contexte de réduire, au sein d’un DMU sur le site ou d’un même site, le nombre de services dans lesquels peut se faire la mobilité, avec une logique de compétences, et en organisant un parcours de découverte de ces différents services pour les nouveaux professionnels, afin qu’ils connaissent les équipes où ils seront peut-être amenés à intervenir en renfort et éviter le parachutage inopiné. Le plan recommande aussi de formaliser systématiquement les pratiques des différents services (sous forme de check-lists par exemple) pour sécuriser les professionnels intervenant en renforts, et de fixer un nombre maximal de services où les renforts hors équipes de suppléance ont vocation à intervenir.

Repenser le rôle des cadres

Redéfinir les missions des cadres de santé pour redonner du sens à leur métier, simplifier leur quotidien en limitant les activités trop chronophages pour les recentrer sur l’accompagnement et l’encadrement des équipes, s'inscrivent dans les priorités. L’autonomie des équipes dans la gestion des plannings, avec une validation par les cadres pour garantir le bon fonctionnement du service et l’équilibre des contraintes entre les agents, constitue le mode d’organisation préconisé par le projet social de l'AP-HP. Celui-ci insiste sur l'instauration d'une démarche d’écoute des besoins et aspirations des cadres, des cadres supérieurs et des directeurs des soins, pour co-construire des actions favorables à l’amélioration de leurs conditions d’exercice professionnel. Il préconise aussi le renforçant du dispositif d’accompagnement des nouveaux cadres qui sortent de l’école, et des IDE qui font souvent fonction de cadres pendant plusieurs années avant d’entrer en formation. La mise en place prévue, en mars 2022, d'un comité d’orientation stratégique à l’Institut de formation des cadres de santé (IFCS) devrait permettre de veiller à l’adéquation de la formation en lien avec les besoins institutionnels. Il permettra d’être force de proposition sur les ajustements jugés utiles par les acteurs du terrain.

Pour l'heure, dans un message adressé le 3 février aux cadres supérieurs de santé, Martin Hirsch ajoute au pot, avec l'annoncé une prime de 1 000 euros (€) brut sur la paie de février à tous les cadres non logés et impliqués dans la gestion de la cinquième vague épidémique de Covid-19. Celle-ci sera versée sous forme d'heures supplémentaires, "à titre tout à fait dérogatoire", et s'ajoutera aux effets du Ségur de la santé.

*source : Hospimedia

Directrice des Rédactions paramédicales